Bégaiement : où en est l’orthophonie en 2025 ?

Longtemps perçu comme un simple trouble de la parole, le bégaiement est aujourd’hui au cœur d’une véritable révolution en orthophonie. En 2025, la prise en charge s’affine, les formations se multiplient, et les approches thérapeutiques s’ouvrent à la neurodiversité. Orthomax vous fait donc le point sur ces avancées thérapeutiques concernant le bégaiement.

Pendant longtemps, le bégaiement a été relégué au rang des petits « troubles de la parole » qu’on espérait voir disparaître avec l’âge ou un peu de confiance en soi. En 2025, les temps ont changé. Les personnes qui bégaient prennent la parole — dans tous les sens du terme. Sur les réseaux sociaux, dans les médias, au Parlement parfois. Autrement dit, sans mauvais jeu de mots, le bégaiement ne fait plus bégayer grand monde. Aujourd’hui, on estime qu’environ 1 % de la population française bégaie, soit entre 600 000 et 700 000 personnes, selon l’Association Parole Bégaiement (APB). Chez les enfants, le chiffre grimpe à 5 % avant six ans, souvent sous une forme transitoire. Si la plupart des enfants retrouvent une fluence stable, une partie d’entre eux conserve des disfluences durables. 

Mais, depuis quelques années, le regard change. Les parents consultent plus tôt, les enseignants repèrent mieux, les médias en parlent davantage. Et, surtout, l’orthophonie s’impose comme la voie royale de la prise en charge. Plus structurée, plus ouverte, plus visible. Loin du simple travail sur la diction, elle devient un espace où se rencontrent neurosciences, psychologie et nouvelles technologies. En 2025, le bégaiement n’est plus seulement un trouble de la parole : c’est un objet de recherche, d’innovation, de débat — et, pour les orthophonistes, un champ d’expertise en pleine mutation.

L’orthophonie monte en puissance

Derrière les disfluences, il y a des bataillons d’orthophonistes. Ou plutôt, il devrait y en avoir. Car en France, on le sait, la pénurie d’orthophonistes est chronique. En 2024, les listes d’attente s’allongeaient dans la plupart des départements, avec parfois plus de six mois pour obtenir un rendez-vous. Le gouvernement a donc décidé d’agir.

En avril 2025, une proposition de loi est adoptée pour augmenter les quotas d’entrée en formation d’orthophonie. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 975 étudiants admis en 2024, 1 073 en 2025, avec une trajectoire prévue à 1 463 d’ici 2030, selon Vie Publique. Encourageant non ? Les objectifs annoncés sont simples : former davantage de professionnels avec une répartition plus équitable sur le territoire. Car dans certains départements ruraux, trouver un orthophoniste spécialisé dans le bégaiement relève encore du parcours du combattant.

Une profession en vogue donc qui doit naturellement s’accompagner d’une spécialisation croissante

Exemple avec la ville de Tours où le Diplôme universitaire « Bégaiement et bredouillement, approches actuelles » affiche complet à chaque rentrée. Créé pour donner aux orthophonistes une formation pointue sur les troubles de la fluence, ce diplôme universitaire mêle théorie, pratique clinique et recherche. 

Et ce n’est pas tout. Depuis 2025, la France prépare l’arrivée du Diplôme Européen de Spécialisation en Bégaiement (ESS), qui sera organisé pour la première fois à Nice en 2026 avant de rejoindre Anvers, chez nos voisins belges. Ce cursus international, labellisé par plusieurs universités européennes, vise à former des orthophonistes experts capables de prendre en charge tous les profils de bégaiement, du jeune enfant à l’adulte. Une masterclass de la fluence, en somme, avec des intervenants venus du monde entier, ouverte aux orthophonistes ayant obtenu le Certificat de Capacité d’Orthophonie en France

Toutes ces nombreuses formations, en France comme à l’étranger, marquent une évolution profonde : on ne traite plus le bégaiement avec des recettes héritées du siècle dernier. On le comprend, on l’étudie, on le nuance. L’orthophonie n’est plus une simple pratique de correction ; elle devient une discipline à part entière, à la croisée de la linguistique, de la psychologie et des neurosciences.

Et dans la pratique, ça donne quoi ?

Derrière les diplômes et les quotas, il y a le terrain. Et là aussi, 2025 est une année de mutation. La tendance la plus marquante ? Les stages thérapeutiques intensifs. L’idée n’est pas nouvelle, mais elle connaît une seconde jeunesse. Organisés par des orthophonistes formés au bégaiement, parfois en partenariat avec l’Association Parole Bégaiement (APB), ces stages regroupent pendant plusieurs jours consécutifs des patients autour d’exercices de parole, d’exposition et de travail sur la confiance. Pour un adulte, c’est souvent une immersion totale : on apprend à gérer le stress de la communication, à parler sans anticiper l’échec, à assumer sa disfluence sans honte.

Les bénéfices sont tangibles

Selon les retours de l’APB, ces formats intensifs permettent des progrès rapides sur la gestion de la peur de parler et la fluidité, surtout quand ils sont suivis d’un accompagnement en cabinet. Et, au passage, ils créent une communauté de parole, ce qui, pour beaucoup, est tout aussi thérapeutique que les exercices eux-mêmes.

Mais la grande révolution, c’est sans doute le changement de regard : on ne cherche plus seulement à « effacer » le bégaiement, mais à le comprendre et à l’intégrer. Lors du 11ᵉ colloque international de l’APB, organisé à Paris en mars 2025, le thème était sans équivoque : « Le bégaiement, une parole atypique ». Une phrase qui résume bien le virage actuel. Dans cette approche dite neurodiverse, le bégaiement n’est plus vu comme une anomalie à corriger, mais comme une manière singulière de parler. L’objectif thérapeutique devient alors de permettre à la personne de communiquer avec aisance et authenticité, qu’elle bégaie ou non.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette philosophie influence de plus en plus la pratique clinique. En effet, les orthophonistes sont de plus en plus nombreux à combiner des techniques pour gérer du mieux possible les troubles de la fluence, avec des travaux sur l’acceptation de soi, la désensibilisation émotionnelle, et des approches pluridisciplinaires où la psychologie, la méditation ou même la musique trouvent leur place. Les Journées Scientifiques d’Orthophonie 2025 ont d’ailleurs consacré leur thème à « Son, rythme, musique et thérapies », explorant le lien entre le rythme cérébral et la parole fluide.

À côté de ces approches plus globales, la recherche avance elle aussi.

On parle désormais de sous-types de bégaiement, selon les profils moteurs, phonologiques ou émotionnels. Des travaux récents, notamment à Lyon et à Rennes, explorent la possibilité de personnaliser la thérapie en fonction du « type » de bégaiement, un peu comme on personnalise un traitement médical. Cette individualisation, encore balbutiante, ouvre des perspectives enthousiasmantes : à terme, chaque patient pourrait bénéficier d’un protocole calibré sur ses besoins spécifiques, plutôt que d’une

L’ensemble dessine une orthophonie plus agile, plus ouverte. Une discipline qui s’adapte à la diversité des profils et des attentes, plutôt que de chercher à tout lisser. Dans un monde où la parole publique est omniprésente (podcasts, visioconférences, vidéos sur les réseaux sociaux), accompagner la parole atypique n’a jamais été aussi crucial.