Comment se verser un bon salaire en tant qu’orthophoniste en libéral ?

Pour bons nombres d’orthophonistes qui débutent en activité libérale, c’est souvent une plongée dans l’inconnu. Là où avant, le statut de salarié permettait d’avoir une certaine sérénité, l’URSSAF, les charges, cotisations et impôts peuvent faire couler des sueurs froides à bons nombres d’entre vous, et c’est normal. Heureusement pour vous, OrthoMax est là pour vous éclairer sur cette partie administrative. 

Être orthophoniste en libéral, c’est accepter d’avoir plusieurs casquettes, pour le meilleur et pour le pire. D’un côté, le soignant, celui qui rééduque, accompagne, rassure, soigne finalement. De l’autre, le travailleur indépendant, un statut qui s’invite parfois sans prévenir dans le quotidien du cabinet. Bien qu’on s’y soit déjà (un peu) préparé, la réalité est souvent plus compliquée : on découvre qu’exercer en « libéral » ne veut pas simplement dire de choisir ses propres horaires et la couleur de la peinture de son cabinet. Être libéral, c’est aussi naviguer dans le monde des Bénéfices Non Commerciaux qui structurent toute l’activité. Des termes loin d’être excitants, on ne va pas se mentir. 

Qui dit orthophoniste libéral veut dire que l’on n’a pas de patron, mais pas de fiche de paie non plus. On encaisse, on paie ses charges, on gère les cotisations URSSAF, la CARPIMKO, les impôts, et on décide soi-même du montant à transférer sur son compte perso. Une liberté qui enthousiasme autant qu’elle fait frissonner. Car dans ce modèle où l’on doit se rémunérer soi-même, une question revient sans cesse : comment, concrètement, se verser un bon salaire quand tout dépend de ce que l’on produit ?

Le versement de salaire, une étape casse-tête 

Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, se verser un salaire en libéral n’a rien d’un rituel administratif complexe. C’est même un geste d’une simplicité presque déconcertante : on effectue un virement depuis le compte professionnel vers le compte personnel, comme on paierait un restaurant, son abonnement Netflix ou ses 50 euros versés dans la cagnotte pour les 30 ans de sa meilleure amie. Sauf qu’ici, ce transfert représente la rémunération du travail fourni. Il n’apparaît dans aucune case, n’entre dans aucune déclaration spécifique : c’est simplement un prélèvement personnel, ni plus, ni moins. Ce qui compte vraiment, ce n’est pas ce que vous vous versez, mais le bénéfice que vous dégagez. Et c’est ce bénéfice, après déduction des charges, loyers, assurances, logiciels, impôts, URSSAF et CARPIMKO, qui détermine votre marge de manœuvre.

Et c’est là que les choses deviennent plus subtiles. Bien qu’il n’existe pas de montant universel/salaire type pour un orthophoniste en libéral, le revenu que l’on peut raisonnablement se verser dépend de critères qui varient au cas par cas : le cabinet et le nombre de patients, le rythme de travail, les charges fixes ou variables, pour ce citer qu’eux. Pas besoin d’avoir fait Saint-Cyr pour comprendre qu’une orthophoniste en zone sous-dotée avec 45 actes par jour et un loyer minuscule n’aura pas la même capacité de prélèvement qu’une consœur en centre-ville qui jongle avec des bilans plus lourds et des loyers qui donnent des sueurs froides. On apprend vite que la question n’est pas « combien je veux me verser ? », mais plutôt  « combien mon activité me permet-elle de me verser sans fragiliser la trésorerie ? », en prenant en compte la fameuse marge de manœuvre. 

Dans les faits, beaucoup d’orthophonistes finissent par se repérer autour d’une même fourchette, entre 40 % et 55 % du chiffre d’affaires. Une zone qui n’a rien d’une règle absolue, mais qui permet d’obtenir une idée claire de ce qu’on peut raisonnablement s’allouer sans mettre l’équilibre du cabinet en péril. Pour bien comprendre, prenons un exemple concret avec un mois avec 6 000 euros de chiffre d’affaires encaissé. Entre le loyer du cabinet, les logiciels, les cotisations sociales et fiscales, il n’est pas rare de voir environ 2 500 euros s’évaporer en charges. Restent alors 3 500 euros disponibles, somme sur laquelle l’orthophoniste peut décider de se rémunérer 2 500 à 3 000 euros, en laissant le reste en sécurité pour faire face aux aléas. Cette gymnastique est propre à chaque professionnel, une sorte de petit calcul personnel que personne ne fait à votre place.

En tant qu’orthophoniste en libéral, il est donc nécessaire de comprendre comment votre activité génère du revenu, comment vos charges se comportent dans le temps, et comment vos choix (nombre de patients, organisation, temps de pause, vacances) influencent votre trésorerie. C’est en apprivoisant cette mécanique que l’on apprend, peu à peu, à se verser un salaire qui reflète vraiment son travail.

Autonomie financière, les réflexes qui changent tout 

On l’oublie souvent, mais la meilleure manière de se verser un bon salaire, c’est d’abord de sécuriser son terrain de jeu. Un cabinet libéral n’est jamais totalement linéaire : il y a les mois pleins, les périodes de creux, les congés, les patients qui disparaissent du jour au lendemain et une hausse conséquente de sa patientèle. Tant de critères difficilement maîtrisables. 

Pour éviter que ces variations n’entraînent un effet yo-yo sur la rémunération, la première règle consiste à construire une trésorerie solide, idéale­ment équivalente à deux ou trois mois de charges. Ce matelas n’est pas une fantaisie de comptable, mais une véritable ceinture de sécurité psychologique. Il permet de continuer à se verser un revenu stable même dans les phases plus calmes.

Pour ceux qui ont besoin de repères, une astuce simple consiste à instaurer un virement automatique depuis le compte professionnel vers le compte personnel, toujours le même jour, toujours le même montant. Une sorte de « salaire maison », que l’on pourrait presque imprimer sur une fausse fiche de paie si l’on voulait jouer au salarié. Ce rituel fonctionne remarquablement bien : il installe une stabilité dans le budget personnel et oblige le cabinet à s’organiser autour d’un revenu fixe. Le montant peut rester modulable, mais l’habitude, elle, apporte une tranquillité rare dans le monde libéral.

Enfin, il y a la technique préférée de nombreux orthophonistes : la méthode des trois comptes. Le premier, le compte professionnel, reçoit tous les honoraires et paie toutes les dépenses liées à l’activité. Le second, le compte personnel, sert à vivre, payer le loyer, acheter les pâtes au supermarché et aller voir le dernier film de Tahar Rahim au cinéma. Le troisième est un compte tampon, un coffre discret où l’on dépose régulièrement de quoi payer l’URSSAF, la CARPIMKO, les impôts et autres joies administratives. En isolant ces sommes au fur et à mesure, on évite l’effet « grosse claque » lorsque les échéances tombent. L’argent est là, déjà prévu, déjà rangé, et vous pouvez continuer à vous verser votre salaire habituel sans paniquer.

Ces habitudes n’ont rien de gadget. Elles transforment la relation qu’un orthophoniste entretient avec son activité libérale. Elles créent une régularité là où le statut génère naturellement de l’incertitude. Car au fond, se verser un bon salaire en libéral, ce n’est pas seulement une question de chiffres. C’est une question de structure, d’anticipation et de confiance dans son propre système. Une fois ces réflexes en place, le virement mensuel n’est plus un pari, mais un simple geste de reconnaissance envers son propre travail.