Mars, le meilleur mois de l’année

Il y a quelques semaines, en préparant ma formation  Sécurisez votre Avenir II, j’ai fabriqué un petit simulateur que j’ai mis en libre accès sur le groupe des Clés (avec son mode d’emploi) :  

https://www.facebook.com/groups/184304421592158/posts/7353814791307716/

C’est un tableau réservé aux orthophonistes libéraux. Son but : déterminer le revenu qu’on veut atteindre (ici le seuil du bonheur, 46 368 € par an) et connaître le nombre d’actes à faire chaque semaine pour y parvenir.

Problème : le simulateur a l’air très optimiste alors qu’il est mathématiquement correct. Beaucoup d’orthophonistes pensent effectuer 55 actes par semaine. Mais elles ne gagnent pas 46 368 € par an. Loin s’en faut. Elles tournent plutôt entre 30 et 35 000 € de bénéfice.

Pourtant j’ai été généreux avec le nombre de semaines de vacances : 8 semaines, c’est beaucoup.

Et même si on porte l’absentéisme à 10 %, ça ne colle pas.

Où est le bug ?

Prenons le problème autrement

Allons voir mon dernier relevé individuel d’activité (RIA), qui contient des statistiques sur l’ensemble des orthophonistes libéraux normands :

En 26 semaines, nous avons effectué en moyenne 861 actes. Si on y met 3 semaines de congés (février, Pâques, ponts de mai), on arrive à :
 
861 / (26-3) = 37 actes par semaine. EN MOYENNE !
 
Vu comme ça, nous travaillons très peu : une grosse 20aine d’heures par semaine. Et comme c’est une moyenne, beaucoup d’entre nous travaillent moins que ça.
 
Là aussi, il y a forcément un bug dans le raisonnement. Et pourtant mon tableau et le RIA sont irréfutables.

Première explication : les vacances scolaires

Le RIA normand montre que 82 % de nos patients sont des mineurs de moins de seize ans. 
 
Enfonçons une porte ouverte : ces patients ont énormément de vacances. Certains partent chez un parent ou un grand-parent qui ne veut/peut pas les amener. D’autres partent en villégiature. Et puis il y a aussi ceux qui préfèrent ne pas venir « pour se reposer un peu ». Et ceux qui disent qu’ils viendront mais qui annulent au dernier moment (ou posent un lapin).
 
Les vacances scolaires font de l’orthophonie une sorte de métier saisonnier, comme la pharmacie dans un village de Savoie.

Seconde explication : le problème est quasi-permanent

Prenons les douze mois de l’année et regardons les raisons de ne pas aller chez l’orthophoniste :
  • Janvier : fin des vacances de Noël, épidémies, routes enneigées
  • Février : vacances, épidémies, routes enneigées
  • Mars : fin des vacances de la dernière zone
  • Avril : vacances
  • Mai : fin des vacances de la dernière zone, ponts
  • Juin : sorties scolaires
  • Juillet : vacances
  • Août : vacances
  • Septembre : temps de réorganisation de l’emploi du temps, entre le foot et l’équitation
  • Octobre : vacances
  • Novembre : fin des vacances, pont du 11, début des épidémies
  • Décembre : épidémies, vacances.

Et pendant tout ce temps, il y a les SMS de type « Timéo ne viendra pas parce qu’il a un rendez-vous » (le nôtre n’en est pas un).

 
Mars reste donc le seul mois où on voit le nombre de patients qu’on a prévu, sauf quand on est dans la dernière zone des vacances d’hiver.
 
Au final, nous travaillons beaucoup moins que ce que nous pensons.
 
Les semaines où tout le monde vient sont celles qui nous marquent parce qu’on y accumule la fatigue. Elles nous confortent souvent dans l’impression de ne pas pouvoir en faire plus.

Comment améliorer les choses ?

Quelques pistes :
  • Se fixer des objectifs annuels, pas hebdomadaires. Tenir un tableau Excel pour ça, puis comparer les années.
  • Mettre des séries de séances courtes et intenses sur les vacances scolaires.
  • Insécuriser les patients propriétaires de créneau horaire, qui disent à la fin juin « on se revoir à la rentrée », en leur disant qu’on verra ce qu’on pourra faire d’ici là parce que c’est tellement loin…
  • Ajouter dix ou quinze créneaux : quand je voyais 85 patients par semaine (hors vacances scolaires), j’en prévoyais 95.
  • 2 lapins = rééducation terminée
  • Plus difficile mais certains le font : moins de 7 rendez-vous effectués sur 10, même décommandés à l’avance = rééducation terminée.
  • Ne pas avoir de rééducations longues pour éviter l’essoufflement (bien compréhensible) de certaines familles. Privilégier des objectifs atteignables en quelques mois et arrêter systématiquement, quitte à revoir le patient plus tard.

Mais avant de suivre ces pistes, un constat lucide s’impose. Regardez donc votre RIA et divisez le nombre d’actes par le nombre de semaines ouvrées. Tout part de là.

 


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