Quel est le salaire d’un orthophoniste libéral en 2024 ?

Le salaire d’un orthophoniste libéral à été tout d’abord influencé par le Covid. Plongeons en 2020 malgré l’autorisation express de la téléorthophonie, rebond en 2021, puis vague Omicron en 2022. Mais où en sommes-nous à présent ? Quel revenu ? Pour quel temps de travail ?

L’AGAO, principale association de gestion des orthophonistes, nous l’annonce gaillardement : en 2023, nous avons retrouvé le niveau des années 2010 ! Le trou d’air est enfin surmonté, malgré les dérives de la Carpimko qui n’a cessé de nous mettre de nouveaux boulets aux pieds. Je ne détaillerai pas ça ici, mais on sait que les quatre régimes de notre caisse équitable et solidaire s’en prennent aux actifs sans considérer l’inflation (et encore moins nos tarifs anémiques).

L’an dernier nous avons gagné 32 920 € en moyenne, soit 2743 € par mois. C’est notre revenu, notre bénéfice. L’équivalent d’un salaire net.

En parlant de salariat

Il est intéressant de comparer nos 2743 € avec le salaire moyen français.

L’Insee vient de publier le salaire moyen du privé pour 2023 : 2735 € nets, avant impôt. Nous sommes donc des gens très moyens 

Bon, il nous manque notre revenu médian. C’est toujours plus instructif : si vous prenez la médiane au lieu de la moyenne, cela signifie que la moitié des gens gagne plus, et l’autre gagne moins. Le revenu moyen, lui, est trop tiré vers le haut par les très hauts revenus qui ne concernent pas grand-monde.

Le salaire net médian du privé est à 2183 € en équivalent  temps plein. Le SMIC progresse plus vite. Il est à 63 % du salaire médian.

Si vous trouvez ces 2743 € assez bas pour un bac +5

Rassurez-vous :

  • ça inclut les collègues en exercice mixte (salariat + libéral) ;
  • et aussi celles qui prennent un congé maternité, ce qui n’est pas rare dans un métier où les hommes sont plus des erreurs statistiques qu’autre chose.

Quel temps de travail pour gagner ça ?

Les diverses statistiques officielles françaises disent que pour gagner leurs 2735 € moyens, les salariés travaillent 36 à 38 heures par semaine en moyenne, en équivalent temps plein (voir ici). Ils sont donc un peu au-dessus des fameuses 35 heures. Rappelons en passant qu’ils peuvent avoir des heures supplémentaires défiscalisées (voir ici).

Et nous ?

C’est une véritable enquête à mener. Un défi intéressant, vous allez voir !

Commençons par regarder  si on peut estimer le temps de travail en présence du patient.

L’Assurance Maladie nous surveille de près depuis plus de vingt ans. Elle pratique un « suivi individuel » de notre activité et elle nous tient au courant des moyennes régionales, pour que nous sachions si nous sommes déviants et si nous risquons un contrôle.

Les moyennes diffèrent peu d’une région à l’autre. Nous les avons comparées sur le groupe Facebook des Clés de la Réussite il y a quelque temps pour nous en assurer. Prenons donc les dernières moyennes normandes, au hasard…

En 2023, les orthophonistes normandes ont pratiqué 1675 actes en moyenne. La grande majorité étaient des séances de 30 minutes, mais ça comprend aussi les bilans et les séances de 45 minutes : neurologie et surdité.

Déjà, avec cet obstacle, on peut dire qu’on est bloqué. Mais ne baissons pas les bras si facilement. Tentons de nous approcher de la vérité.

L’Orthophoniste n°416 (p.12) nous apprend que les séances de neurologie représentent 23 % de notre activité. Celles de surdité (AMO 15,4 à 45 minutes minimum) sont malheureusement assimilées avec tous les handicaps (AMO 13,8 à 30 minutes minimum). Les deux font 8% de notre activité, ensemble. Deuxième obstacle. 

On peut quand même penser que l’impact des séances de surdité équivaut à celui de la tolérance sur les séances de neurologie qui peuvent descendre à 30 minutes si le patient est fatigable. Alors restons à 23 %.

Le bilan, maintenant : 7,5 % de notre activité. Estimons-le à deux heures.

Résultat : 

Séances de 45 minutes : 1675 actes x 23 % x 3/4h = 289 heures sur l’année
Bilans : 1675 actes x 7,5 % x 2h = 251 heures
Séances de 30 minutes : 1675 actes x (1-23%-7,5%) x 1/2h = 582 heures
Total annuel : 1122 heures en présence des patients.

Si on prend 6 semaines de congés (5 semaine + quelques jours fériés), on arrive à 24 heures par semaine.
Si on monte à 8 semaines de congés (ce qui est royal) : 26 heures par semaine.

24 heures par semaine pour gagner 2743 € par mois, c’est excellent !

 
Oui. Mais non.
 

Le travail gratuit ne manque pas dans notre métier : comptabilité + préparations + cotations + rédaction + coups de fil + mails + « petits courriers » + rejets + formation + repas avec des collègues + réunionite pour garder le FAMI, j’en passe et des meilleures…

Selon une étude de la FNO réalisée par Joy Rainaud en 2021, basée sur les réponses de 6635 orthophonistes, le temps administratif est en moyenne de dix heures par semaine pour les orthophonistes.

 

Il faudrait retrouver la méthodologie de cette étude pour savoir si des orthophonistes sans problème de temps ont répondu à l’enquête. Mais si on admet ces dix heures comme le fait la FNO, on arrive à 34 h par semaine pour gagner 2743 € par mois.

Ca reste correct : on n’est pas si loin des 35h. On peut penser que dans les faits, cela oscille entre 30 et 40 à cause des vacances scolaires et des épidémies.

Et surtout, on peut faire mieux

Le temps administratif gratuit peut être compressé et redevenir du temps de soin, ou du temps libre. L’intelligence artificielle peut par exemple nous aider à accélérer la rédaction de comptes rendus (voir ici) et la préparation des séances (voir ici).

Le temps de soin, lui, est difficilement compressible. Des  pistes existent, mais elles butent sur la déontologie. Quelques exemples :

  • Ne plus prendre en charge les AMO 15.
  • Passer tous les AMO 15,6 et 15,7 à trente minutes en profitant du flou de la nomenclature : « 45 minutes ne pouvant être inférieures à 30.
  • Refuser tous les domiciles.
  • Faire des bilans courts.
  • Utiliser les premières séances pour finir les bilans, en profitant de la disparition de la demande d’accord préalable sur la première série de séances.
On peut aussi imiter les kinés qui pratiquent le dépassement d’honoraires illégal. Mais… c’est illégal.

Consacrons-nous donc en priorité sur l’optimisation du temps de travail gratuit ! Les groupes Facebook orthophoniques fourmillent d’idées là-dessus. Instagram aussi (ex : PaksaafaireKathleen Care ProExtra Ortho).

Quid de l’avenir ?

 

A priori les chiffres de 2024 montreront que l’avenant 20 a encore renforcé notre position, au moment où l’inflation revient entre 1 et 2 % par an. C’est un moment rare, parce qu’on voit mal pourquoi nous serions augmentés dans les années qui viennent.
 
Pendant ce temps, la Carpimko continuera à serrer son étau sur nous. La réforme du régime complémentaire qu’elle a annoncée risque de décourager le soin, en nous incitant à en faire le moins possible.
 
Plus que jamais, l’optimisation (légale et déontologique) sera nécessaire ! D’autant qu’il ne faut pas oublier un point capital : nous avons un revenu net similaire à celui des salariés, mais si nous voulons avoir la même protection sociale que la leur, nous devons épargner davantage.


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