URSSAF vs CARPIMKO vs Fisc en 2023 : partie 1

Quel est le plus vorace parmi nos trois taxmen ? Lequel encourage le plus le travail ? Lequel est le plus juste ? Comment évoluent-ils ?

J’ai donc lancé mon fidèle tableur pour calculer la ponction de l’Urssaf et de la Carpimko sur une orthophoniste au revenu moyen de 2022 ; puis sur une collègue qui gagne deux fois le revenu moyen (il y en a). 

Cette première partie s’intéresse aux charges sociales. Dans la seconde partie, j’inclurai l’impôt sur le revenu dans l’équation.

Voici les résultats, en partant du principe qu’elles ne perçoivent que des revenus conventionnés :

 

Les 14 ponctions sociales sur le revenu moyen des orthophonistes (source : FNAGA)


Ponctions à 2 fois le revenu moyen des orthophonistes, avec un peu plus de Madelin et de PER comme c’est généralement le cas

D’emblée on peut répondre à la première question, celle de la voracité. 

Si vous êtes au revenu moyen, la Carpimko vous en prend 23 % et l’Urssaf 14. C’est surtout dû aux taxes forfaitaires, indépendantes du revenu. Avant de gagner votre vie, vous devez d’ores et déjà 3017 € incompressibles à votre caisse de retraite et de prévoyance. L’Urssaf, elle, n’a que 110 € forfaitaires.

Notons que ce décalage sinistre s’aggrave tous les ans : la Carpimko augmente sans cesse ses taxes forfaitaires sans tenir compte de l’inflation ; et encore moins de l’évolution de nos tarifs, bien sûr.

En revanche, si vous gagnez deux fois le revenu moyen, les deux organismes s’équilibrent. Chacun vous prend autour de 16 %. C’est dû à trois éléments : L’Urssaf se met à vous faire payer des allocations familiales, qui sont devenues une sorte d’impôt progressif sous la présidence Hollande.

Les 3017 € incompressibles de la Carpimko pèsent beaucoup moins en proportion, puisqu’ils ne bougent pas quand on double son revenu.

Le régime de base de la Carpimko ne prend que 1,87 % de tout ce qui dépasse 43 992 € de revenu (le seuil du bonheur), alors qu’il prend 10,1% de tout ce qui est en-dessous. 

En résumé : la Carpimko est très vorace sur le revenu moyen. Mais si vous décidez de travailler davantage, elle deviendra plus magnanime, passant de 23 à 16 %. L’Urssaf, elle, est plus linéaire. Quand vous doublez votre revenu, elle passe de 14 à 16 % à cause des allocations familiales.

Attention, néanmoins : la Carpimko réhausse le seuil du bonheur chaque année. Un jour, plus personne ne pourra l’atteindre. C’est d’ailleurs un moyen masqué de nous attribuer moins de points de retraite. Chaque point nous coûte plus cher chaque année.

Qui nous encourage à travailler ?

Pour le plaisir, j’ai aussi regardé à 3 fois le revenu moyen, même si quasiment aucun orthophoniste n’y parvient.

Dans ce cas de figure, l’Urssaf continue à prendre 16 %. Mais la Carpimko descend à 12 ! La pression de la caisse de retraite est donc quasiment divisée par deux, par rapport à celle qui s’exerce sur la collègue qui gagne juste 27 550 euros.

C’est vraiment surprenant quand on s’en aperçoit, parce que les prélèvements à taux dégressif sont rares en France.

Rassurez-vous, seul le taux baisse : la Carpimko vous prendra toujours plus d’argent si vous travaillez plus. Mais elle vous incite clairement à travailler davantage, parce qu’une fois que vous franchirez le seuil du bonheur (43 992 euros) elle vous laissera beaucoup plus libre de fabriquer votre retraite et votre prévoyance par vous-même.

Quel est l’organisme le plus juste ?

Bien sûr, cette question n’a pas de réponse absolue. Tout dépend de vos convictions politico-philosophiques. Amusons-nous à sortir des arguments et à les démolir immédiatement. J’adore ce type d’exercice parce que c’est un vaccin contre les deux extrémismes.

L’Urssaf est beaucoup plus juste avec son taux quasiment fixe.
MAIS la TVA et la flat tax sont injustes parce qu’elles ont le même taux pour tout le monde. Il faut prendre plus à ceux qui travaillent plus, en valeur absolue ET en pourcentage.

La Carpimko a un système dégressif scandaleux et elle fait reposer la retraite des gros travailleurs sur la retraite par capitalisation, qui est aussi un principe détestable.
MAIS elle nous laisse un espace de liberté dont l’Urssaf nous prive.

L’Urssaf est injuste parce qu’elle nous force à payer les URPS, qui sont des sortes de syndicats corporatistes et obligatoires dont personne n’a jamais demandé la création.
MAIS les URPS paient la liste d’attente commune et elles servent de courroie de transmission avec les ARS.

L’Urssaf est injuste parce que les allocations familiales sont devenues un impôt doublement progressif : plus on travaille, plus on y cotise, mais moins on reçoit.
MAIS c’est ça, le système équitable et solidaire : prendre davantage à ceux qui travaillent beaucoup, pour donner plus aux autres. La redistribution est la base du contrat social. Sans ça, on aurait encore plus d’émeutes.

L’Urssaf est injuste parce qu’elle nous force à cotiser au FIF-PL, même si nous nous formons autrement.
MAIS personne ne nous interdit de récupérer notre mise en faisant au moins une formation FIF-PL par an.

La Carpimko est injuste parce qu’elle augmente ses ponctions forfaitaires tous les ans de manière sidérante : +11 % cette année sur le régime invalidité-décès, par exemple !
MAIS elle a des contraintes budgétaires. Puisque ses dépenses augmentent et que personne n’envisage de limiter son périmètre, il faut bien qu’elle puise dans nos poches. Les collectivités locales ont la même attitude avec la taxe foncière, après tout.

L’Urssaf est injuste parce que l’assiette de la CSG et de la CRDS inclut les cotisations sociales : on paie des charges sur des charges !
MAIS c’est pour nous aligner sur les salariés, qui paient la CSG sur le salaire brut. Et puis c’est la même chose avec la TVA sur la TICPE (taxe sur l’essence), dont personne ne conteste le principe.

La Carpimko est plus juste parce que chaque cotisation attribue des droits. Et plus on cotise, plus on a de droits. A l’Urssaf, on peut payer des allocations familiales sans avoir droit à quoi que ce soit. Et pourquoi paie-t-on son URPS plus cher parce qu’on travaille plus ? Est-on averti de ses actions indispensables avant les autres ? Tout ça est révoltant.

MAIS l’Urssaf a une politique redistributive (avec cet adjectif magique vous faites immédiatement passer les récalcitrants pour de sombres égoïstes). Fermez le ban.

Voilà pour ces quelques réflexions sur l’Urssaf et la Carpimko, assorties de réponses de Normand. En même temps c’est cohérent, venant d’un pur Normand.

Chacun a son opinion sur ces deux organismes. Certains considèrent qu’il faudrait aggraver la pression sur les autres pour alléger la leur. 

D’autres trouvent que tout est normal et que ce système, bien que perfectible, est foncièrement juste parce qu’issu des conceptions du Conseil national de la Résistance. C’est l’opinion mainstream. Le CNR, c’est un peu comme la Justice. On n’a pas le droit de contester ses décisions.

Et puis il y en a encore d’autres qui voudraient plus de liberté et de concurrence (si possible européenne), avec une mise à plat complète du système qui date d’une époque où le pays n’avait rien à voir avec ce qu’il est devenu, 80 ans plus tard. Au moins en ce qui concerne les travailleurs indépendants. Des gens libres et responsables d’eux-mêmes. Pourquoi voudrions-nous rapprocher toujours davantage notre système social de celui des salariés ? 

Comme dit Freddie :

Dans la seconde partie, j’inclurai l’impôt sur le revenu et la défiscalisation dans l’équation. Il nous faut une vue d’ensemble du système, pour prendre les meilleures décisions.


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